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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Dorotohée Casalis nous a quitté en chantant.

mardi 29 novembre 2011, par :

Par Corinne Lanoir. Un hommage et une beau récit de la vie de Dorothée Casalis qui la feront rencontrer à celles et ceux qui ne l’ont pas connu, et s’en souvenir aux autres. Merci à Corinne.

Dorothée Casalis nous a quitté, racontent ses enfants, en chantant : « ma chandelle est morte, je n’ai plus de feu, ouvre-moi ta porte, pour l’amour de Dieu » et en disant « au revoir » dans toutes les langues. Cela correspond tout à fait à l’image que je garde d’elle, une femme inventive, créatrice, reconnaissante pour ce que la vie lui apportait, pour qui la théologie se déclinait au plus près de la réalité, curieuse et solidaire des vies, des espoirs et des souffrances des autres, toujours prête à découvrir ce qui se passait ailleurs et en alerte sur les injustices, soucieuse de mobiliser le plus grand nombre pour transformer ce monde dans lequel elle aimait rire, raconter des histoires et chanter.

Et la théologie, elle l’a fréquentée depuis toute petite : son père, Eduard Thurneysen était un pasteur grand ami de Karl Barth, et elle jouait sous la table tandis que les deux amis affinaient leurs réflexions sur le lien entre prédication et engagement politique, réflexions qui allaient façonner une pensée théologique marquant plusieurs générations de théologiens. Puis elle a choisi d’unir sa vie à celui qu’elle a connu comme jeune étudiant en théologie logeant chez ses parents, Georges Casalis, venu suivre les cours de Karl Barth qui en 1935 avait été chassé d’Allemagne par le nazisme et enseignait alors à Bâle. Elle aussi s’est inscrite en théologie et a suivi les cours de Barth alors que l’église ne reconnaissait pas encore le ministère féminin.

Dans sa longue vie de 94 ans, elle n’a pas seulement traversé beaucoup de moments historiques importants du siècle dernier, elle a été présente au monde en des lieux et des temps significatifs, témoignant à chaque fois d’une espérance courageuse, avec la conviction qu’il n’est pas de situation où l’on ne puisse rendre compte de la bonne nouvelle de l’évangile qui remet debout et rend la parole à celles et ceux qui sont exclus, écrasés, désespérés et qui renverse les puissants ; son parcours pourrait composer un manuel d’histoire et de géographie : née en Suisse alémanique en 1917, dans la première grande secousse du siècle, elle traverse la période du nazisme, aux côtés de ceux qui ont bâti l’église confessante, puis, arrivée en France en zone libre, à Nîmes puis à Lyon, jeune mariée avec Georges en 1940, elle fréquente les mouvements de jeunesse, les équipes de recherche bibliques, la Cimade naissante et les réseaux de résistance. Puis c’est la paroisse de Moncoutant, dans le marais poitevin, la participation à des réseaux d’accueil et de cache de résistants et réfugiés politiques et le souci, alors peu partagé, de formation des femmes et des filles de cette région ; ensuite, départ pour Berlin, de 1946 à 1950, avec la question de quelle reconstruction bâtir, quelle réconciliation ébaucher là-bas. Dans les années 50, toujours en fonction des nominations de Georges, la voici à Strasbourg engagée dans le mouvement jeunes femmes qui revendique l’autonomie et la reconnaissance de la place des femmes dans la société et dans l’église, puis à Paris en 1961, alors que gronde la guerre d’Algérie. Elle soutient, avec Georges et bien d’autres, la lutte de libération des algériens, puis après une formation professionnelle qu’elle entame à la cinquantaine et avec quatre enfants, elle travaillera à la Cimade pendant 12 ans , de 1970 à à 1982 au service des bourses pour les réfugiés. La retraite de Georges en 1981 les amène à Noyon pour prendre en charge le Musée Jean Calvin., d’abord ensemble puis seule, après la mort de Georges au Nicaragua en 1987 jusqu’en 1993. Elle finira sa vie à Paris, en maison de retraite au Chatelet depuis 2005.

Avec Georges puis seule, elle a sillonné le monde, de l’Europe de l’Est à l’Amérique latine, avec une prédilection pour le Nicaragua où j’ai eu l’occasion de l’accompagner quelques fois ; elle avait toujours envie d’en savoir plus sur ce que vivaient ses amis de partout, elle leur écrivait infatigablement des lettres, elle voulait partager leurs rêves et leurs espoirs et a maintenu une solidarité sans faille tant qu’elle a pu.

Ce parcours est un vrai parcours au sens biblique du terme, c’est à dire comment une vie racontée devient un itinéraire qui fait sens, comment les déplacements qui arrivent dans une vie ne sont pas vécus comme une errance ou une fuite mais deviennent une sortie, un chemin, une ouverture vers de nouveaux horizons, qui ne font que s’élargir, encore et encore. Alors, comme elle aimait à le dire : « Adelante compañera ! ».

Corinne Lanoir, sur la base des témoignages donnés au cours de la célébration de reconnaissance pour la vie de Dorothée au foyer de grenelle le 8 octobre 2011.


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