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Les Zombis sont parmi nous

mercredi 27 juin 2012, par :

Le 11 septembre 2001 a fait basculer les États occidentaux dans un nouveau rapport avec le monde islamique, dans un nouveau régime des relations internationales. Les occidentaux se sont auto-déclarés « axe du bien » et ont désigné au sein du monde musulman un « axe du mal » variable dans le temps selon leurs intérêts et contre lequel « la guerre juste » pour raison humanitaire est devenu le mode d’action privilégié. Ces « guerres justes » misent en œuvre à l’aide d’armes dont la puissance est inégalée dans l’histoire aboutissent toutes à des résultats catastrophiques, tant du point du vue de l’ampleur du nombre des victimes principalement civiles et des destructions matérielles, que de celui de la déstabilisation de régions entières qui sombrent dans la violence et le chaos.

Lors de la mise en œuvre de ce nouveau rapport entre l’occident et le monde islamique, des néoconservateurs de droite comme de gauche ont joué un rôle majeur. MM. Blair, Bush, Cheney, Aznar et plus tard Sarkosy, pour en citer quelques-uns, ont depuis quitté la scène politique occidentale. D’aucuns, leur attribuant l’entière responsabilité de cette dérive belliciste, jugeaient que leur départ allait y mettre un terme. Qu’en est-il ? L’arrivée aux affaires des démocrates il y a quatre ans aux USA et récemment des socialistes en France a t-elle conduit à un changement dans les relations occidentales avec le monde islamique ?

Le problème, c’était Bush ; GW Bush et à ses côté la clique des néo-conservateurs, responsables de tous les coups tordus, de toutes les manipulations - jusque dans l’enceinte de l’ONU- cause de la plongée du camps occidental dans la pathologie de l’hubris. Pour retrouver une juste perception du réel et le sens de la mesure, il suffisait de s’en débarrasser, d’ânonner tous ensemble « Yes we can » et de célébrer le retour de l’aile gauche du parti unique US aux affaires. On allait voir ce qu’on allait voir...

Qu’avons nous vu ? Quel constat devons nous faire à l’issu du premier mandat de B.H. Obama ?

Aucune poursuite n’a été engagée contre les criminels de guerre, responsables, sur la base de mensonges officiellement reconnus, de la mort de plusieurs centaines de millier d’irakiens et de la destruction de la Civilisation Mésopotamienne.

L’Afghanistan sert toujours de terrain de jeu aux forces de l’Otan qui à la moindre occasion pissent sur le Coran, expérimentent leurs smart-bombes et leurs drones sur la population tout en élevant à un niveau jamais atteint l’art de présenter des excuses.

Le Patriot Act n’a pas été aboli mais étendu pour répondre aux nouvelles nécessités du moment. Au nom de la lutte contre le terrorisme, l’administration Bush avait édicté une règle qui autorisait les service spéciaux à enlever n’importe quelle personne où qu’elle se trouve sur la planète, et à la transférer dans un « centre d’intelligence » géré par des amis sûrs, tel Messieurs Khadafi et Moubarak. Désormais, inutile de se donner tant de peine, Monsieur Obama a autorisé les dits services spéciaux à éliminer sans aucune forme de procès toute personne considérée à l’étranger comme présentant un risque pour la sécurité des Etat-Unis. Peu importe que les pires criminels de guerre du siècle passé aient eu droit à un procès à Nuremberg, les grandes âmes progressistes de l’occident se sont écriées en cœur « justice est faite » lorsque Ben Laden et Khadafi ont été froidement éliminés.

Constatant que ces règles régissant « the rest of the World » facilitent grandement « l’administration » des affaires extérieures, Monsieur Obama a jugé que leur déclinaison interne répondait aux nécessités de ce temps de crise où les troubles sociaux se multiplient. Le National Defense Authorization Act signé en catimini le 31 décembre 2011 par Monsieur Obama offre aux services de sécurité américains la possibilité de détenir indéfiniment tout citoyen américain « soupçonné de soutenir consciemment ou inconsciemment le terrorisme ».

A l’issu de ce constat, l’idée de circonscrire le problème de déraison occidentale à GW Bush, Tony Blair et consort semble problématique.

Mais traversons l’océan, puisque de ce côté de l’Atlantique nous avions également un problème d’hubris en la personne de Monsieur Sarkosy.

Ne retenons que l’essentiel du passif :

Réintégration de la France dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique au moment où celle-ci traverse une crise d’identité majeure liée à la disparition de l’URSS, son ennemi historique et sa raison d’être. Crise d’identité qui se traduit par une fuite en avant dans l’interventionnisme hors du périmètre délimité par le Traité de l’Atlantique Nord.

Renforcement substantiel de l’engagement français dans le conflit afghan alors même que le caractère absurde de l’intervention militaire occidentale et son absence d’issue sont actés.

Alignement de la diplomatie française sur les positions extrémistes du gouvernement Netanyahou à propos de l’Iran.

Intervention militaire en Libye dictée par un opportunisme politique des plus cyniques, légitimée tant par un discours moral et humanitariste diabolisant l’adversaire que la manipulation du nombre des victimes, nécessaire à la neutralisation de l’opinion publique.

Posture identique concernant la Syrie. Activisme forcené mené de concert avec l’Arabie Saoudite et le Qatar en vue de torpiller la mission de Kofi Annan (mise à l’écart des opposants syriens hostiles à toute intervention extérieure, soutien financier, logistique et militaire aux groupes salafistes affluant en Syrie). Nous avons d’ailleurs échappé au pire : le site Debka-files proche des services israéliens révélait fin mai que l’Arabie Saoudite et la France avaient en avril dernier tenté à plusieurs reprises d’obtenir de la part de M. Obama l’autorisation de mener un raid aérien d’ampleur contre le palais présidentiel de Bashar El Assad. Autorisation refusée catégoriquement par le Président US.

Que change la défaite du candidat de la droite aux dernières élections présidentielles ? Les socialistes rompent-ils avec la posture belliciste adoptée par Nicolas Sarkosy ?

Le candidat Hollande avait pris l’engagement d’opérer le retrait de toutes les troupes françaises présentes en Afghanistan d’ici la fin de l’année 2012. Cet engagement était l’un de ceux qui devaient marquer la rupture avec le sarkozysme. L’élection passée, le retrait ne concerne plus que « les forces combattantes », 1400 hommes vont donc rester sur le sol afghans. François Hollande apparaît fort ambigu.

Mais c’est sur la question de la Syrie que le nouveau pouvoir nous envoi les signaux les plus inquiétants. On aurait pu espérer que les socialistes sortent de ce climat d’hystérie belliciste, nourrit par une vision tronquée de la situation, et remettent l’appareil diplomatique dont la France dispose au centre de son activité et en réel soutien de la mission de l’ONU dirigée par Kofi Annan.

Bashar El Assad et ses sbires n’ont rien de sympathique. Pour autant, la situation syrienne est complexe et ne se résume pas en un face à face entre le pouvoir et le peuple comme le laisse entendre la narrative de la presse bien pensante occidentale (The Gardian, Le Monde, NY Times, ...). Que l’unique source d’information de celle-ci sur les massacres commis unilatéralement par le régime (la belle fable que l’occident se raconte), pompeusement baptisée « observatoire syrien des droits de l’homme » se limite à une personne coincée dans un petit bureau de Coventry dans l’arrière-cour d’une boutique de vêtements, en dit long sur la déontologie de l’industrie de l’information en occident. Mais que le gouvernement socialiste français, après le massacre commis fin mai dans la ville d’Al Houla, expulse in petto l’ambassadrice syrienne sur la base d’une information émanant de ladite officine, attribuant à l’armée syrienne la responsabilité du massacre sans le moindre élément de preuve, et évoque la possibilité d’une intervention militaire, démontre que le nouveau gouvernement se place dans la continuité de la vision et des méthodes du précédent exécutif.

De fait, nous voyons bien que ce massacre est utilisé dans la précipitation et sans qu’aucune vérification ne soit effectuée, dans le but de valider à posteriori une narrative occidentale sur la situation syrienne qui n’arrivait pas à trouver jusqu’alors un ancrage dans les faits. Dans cette affaire, rien ne désigne objectivement la culpabilité des forces de sécurité syriennes (ni leur innocence), mais les faits ont ici peu d’importance. La force de l’émotion due à l’atrocité de l’événement vaut condamnation du coupable idéal selon le canon narratif occidental. Toute source d’information déviant de ce canon est rejetée. Ainsi, les dénonciations des exactions commises par des militants sunnites salafistes portées par M. Eric Chevallier, ancien ambassadeur de France en Syrie, sont-elles superbement ignorées, tout comme les déclarations de l’Evêque français et Archimandrite Philippe Tournyol Clos, tenues lors de son retour de mission. Elles sont en effet scandaleuses : « La paix en Syrie pourrait être sauvée si tous disaient la vérité. Après un an de conflit, la réalité sur le terrain est loin du cadre qu’impose la désinformation des moyens de communication de masse occidentaux... »

Dans ce registre de l’émotion au service du bellicisme, la continuité entre le précédent et le nouveau gouvernement est patente. Et comme outre-atlantique, il est évident que la question des personnes est secondaire. Peu importe que les acteurs se nomment Bush ou Obama, Sarkosy ou Hollande, et peu importe leur position sur l’échiquier politique. ils perçoivent et réagissent tous de manière mimétique et automatique dans un registre où l’émotionnel pousse la raison à s’affranchir de toute perception rationnelle. De telles dispositions emprisonnant l’esprit ne permettent pas d’envisager d’autres formes d’action que l’intervention militaire. Dans les conflits opposant des peuples à des dirigeants jugés hostiles (pas ceux d’Arabie Saoudite ou du Bahreïn qui sont nos amis) , l’usage de la force est la seule réponse envisagée par les responsables occidentaux.

Il est judicieux de mettre en lien cette pathologie de l’enfermement psychologique qui s’exerce dans le domaine des relations internationales avec l’attitude des directions occidentales face à la crise financière actuelle. S’ils reconnaissent dans leurs discours (Sarkosy à Toulon, Hollande à Villepinte) que c’est la déréglementation libérale, inscrite au cœur du processus de globalisation, qui conduit la concentration de la richesse à un tel niveau que le système financier implose, ils ne perçoivent pas d’autres moyens pour sortir de cette crise que de continuer à appliquer cette même politique libérale. Ici l’examen objectif des faits à bien lieu, mais il ne résiste pas à la force de la foi que les dirigeants occidentaux éprouvent envers l’idéologie libérale qu’ils mettent en œuvre depuis des décennies.

Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas envisagé d’autre choix que ceux que dictent l’émotion et la foi et qui mènent irrémédiablement à la catastrophe.

A l’issue du premier grand carnage du siècle précédent, Paul Valéry nous avertissait : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles… ». Un siècle plus tard, il semble que nous assistions en direct à l’avènement des zombis et à la mise en œuvre du processus d’auto-destruction conscient et volontaire d’une civilisation.


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