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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Loi sur le renseignement

En profonde contradiction avec les valeurs de l’Evangile

vendredi 12 juin 2015

La nouvelle loi sur le renseignement vient d’être votée par le Sénat. Le Mouvement du christianisme social déclare son opposition à cette loi.

Ce projet de texte, qui s’il est adopté va constituer un tournant dans l’histoire des libertés de notre démocratie, est justifié par un battage médiatique articulé autour de la peur du terrorisme, jouant ainsi sur la face négative du plan émotionnel de nombre de citoyens pour les convaincre de l’utilité d’adopter des mesures radicales. D’un autre côté, ce projet de loi est tellement liberticide, qu’il a aussi soulevé une vent de préoccupations et d’indignation. Depuis les avis et recommandations de la CNIL ou de la Commission de réflexion et de propositions sur le droit et les libertés à l’âge du numérique de l’Assemblée nationale, en passant par la double saisine du Conseil Constitutionnel, les déclarations du bâtonnier de Paris parlant de "mensonge d’Etat" et jusqu’aux pétitions par des collectifs d’associations et même d’entreprises du numériques ("ni pigeons, ni espions") dont certaines menacent de quitter la France pour établir leurs centres informatiques dans des pays plus respectueux des libertés et de la vie privée, la constestation est inédite. Elle a pourtant été peu entendue par la plupart de nos élus et la grande majorité des citoyens qui peut-être ne comprennent pas l’ampleur et les enjeux d’une surveillance technologique massive et invisible opérée par l’Etat.

Au de-là des arguments techniques, juridiques et éthiques, le mouvement du christianisme social souhaite affirmer que ce projet de texte est en profonde contradiction avec les valeurs de l’Evangile et avec une spiritualité chrétienne cohérente en actes, pour au moins trois raisons.

Tout d’abord, il est basé et construit sur la peur : la peur du terrorisme mais aussi la peur de celui qui a des pensées subversives et l’exprime dans des manifestations, la peur de la diplomatie étrangère ou des entreprises étrangères, pour ne citer que quelques exemples issus des sept familles de finalités susceptibles de justifier un espionnage numérique. Or, l’Evangile nous appelle à dépasser la peur pour puiser dans sa source l’amour, la liberté et la vérité alors qu’un un arbre qui plonge ses racines dans la peur produira forcément des mauvais fruits.

Ensuite, s’agissant de cette vérité qui est au cœur du message biblique ("La vérité fera de vous des hommes libres" disait Jésus), ce texte aura été l’occasion de révéler au grand jour un mensonge qui perdure depuis de nombreuses années et explique enfin l’étrange timidité des déclarations de notre gouvernement suite aux révélations "Snowden". L’Etat français ne serait pas plus respectueux que les Etas-Unis en termes de libertés et de vie privée numérique et ce projet de loi ne vient que légaliser des pratiques déjà existantes mais illégales. Même le Président de la République, le Premier Ministre ou la Commission de réflexion de l’Assemblée Nationale qui explique dans sa recommandation qu’il est "nécessaire de légaliser et d’encadrer les pratiques existantes acceptables" en ont convenu. L’hypocrisie se joue aussi sur un autre terrain car si la "prévention du terrorisme" est l’unique argument sans cesse ressassé, ce n’est qu’une des sept finalités à même de justifier l’espionnage et figurant dans le projet de loi. D’autres permettront peut-être la surveillance numérique pendant les manifestations ("La prévention des violences de nature à porter gravement atteinte à la paix publique") ou sont clairement liées aux intérêts de domination politique scientifique et économique de l’Etat français ("Les intérêts essentiels de la politique étrangère et l’exécution des engagements européens et internationaux de la France" ou "Les intérêts économiques et scientifiques essentiels de la France"). Dans des termes plus explicites cela signifie par exemple l’espionnage, par les services de renseignements français, des entreprises étrangères pour permettre à nos "champions économiques nationaux" de gagner des contrats de manière déloyale. Car l’information c’est avant tout le pouvoir, et c’est de ça dont il est question dans ce projet de de loi : le pouvoir de contrôler et de dominer les plus faibles, ceux qui n’ont pas à leur disposition de tels outils d’espionnages numérique ou ne savent pas s’en protéger.

C’est là qu’apparait la troisième point de contradiction, quand justement, l’Evangile se place du côté des "tous petits" et des plus faibles, vers qui se concentre l’amour du prochain et l’attention de Jésus. Or, le système de surveillance massif à plusieurs têtes que veut légaliser le projet de loi donne un pouvoir de domination aux Etats et entreprises qui contrôlent cette information sur ceux/celles qui n’y ont pas accès. C’est aussi à l’intérieur même de notre pays, un déséquilibre de pouvoir entre l’Etat et la société civile, incarnée par les citoyens et associations.

Pourtant, de tous temps, ce sont les résistants et les subversifs qui ont permis de changer le monde pour plus de liberté et de solidarité. Pour y parvenir, ils ont souvent dû trouver un espace où se cacher, avant de pouvoir s’exprimer et agir : depuis les disciples de Jésus, jusqu’aux lanceurs d’alertes modernes en passant par les camisards et les résistants.

Alors pour retrouver et continuer un chemin vers la liberté et la paix, il faut probablement avoir du courage comme l’exprimait Dietrich BONHOEFFER, cet ancien pasteur et résistant, pendu sur ordre d’Hitler :

« Comment viendra la paix ?
Par un système d’accords politiques ?
Par des investissements économiques ?
Ou par un équilibre dans la course aux armements ?
Non, par rien de tout cela, et ceci pour la simple raison que dans tous les cas on confond paix et sécurité.
Il n’y a pas de paix possible sur la voie de la sécurité, car la paix est une audace, c’est une aventure qui ne va pas sans risques.
La paix, c’est le contraire de la sécurité.
« Sécurité » signifie méfiance qui à son tour entraîne la guerre.
Chercher la sécurité signifie se protéger soi-même, alors que la paix implique un abandon face au commandement de Dieu.

  • #1 Le 17 juin 2015 à 10:05, par Anonyme

    L’état d’esclavage est parfois rassurant...
    Osera-t-on être libres ?


  • #2 Le 18 juin 2015 à 13:43, par Brigit

    Cet article est clair, intéressant et inquiétant.. merci.. et également pour la citation de Bonhoeffer***


  • #3 Le 22 juin 2015 à 09:27, par Renée Piettre

    Merci. Cette prise de position est nécessaire, évidente. Comment une telle loi peut-elle être imaginée et adoptée en France ? Qu’est donc devenu ce pays oublieux de lui-même ? Sans doute Vichy n’est jamais mort, mais se parait de quelques masques diversement grimaçants depuis soixante-dix ans...



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