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Article publié

Une pandémie : révélatrice de nos failles ou dernier signe d’alarme ?

jeudi 17 décembre 2020, par :

Article de la revue Hier & Aujourd’hui n° 238, 2020, p3 reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur : Professeur Didier Sicard

La société humaine s’est toujours inscrite dans un temps à la fois personnel pour chacun et universel pour tous. Peu à peu le temps personnel a pris le pas sur le temps universel. L’élève, l’étudiant se posent d’abord la question de leur usage du monde présent avant d’interroger le passé qui leur semble désormais sans capacité de messages adaptés leur désir. La disparition des chaires d’histoire de la médecine depuis 20 ans a débarrassé les étudiants en médecine du questionnement erratique du passé leur ouvrir le chemin toujours radieux d’un futur en ascension permanente. « Vous étiez dans l’obscurité, nous sommes désormais dans la lumière ! »
Soudain, la lumière s’éteint, la Covid-19 fait son entrée fracassante. L’aveugle tâtonne dans son univers familier qu’il retrouve dans les gestes ancestraux adoptés dans les épidémies : la distanciation, l’éloignement, le lavage des mains, le masque. Cette surprise, notre société tente de la contourner par le recherché effrénée d’un médicament ou d’un vaccin comme dernier sursaut avant la résignation du désespoir. Mises à part quelques exceptions, la société a de la peine à se retourner sur le pourquoi. Car cela l’oblige à un retour sur sa responsabilité qui faisait fi jusque-là des leçons du passé. Comment quelques chauves-souris ont-elles l’outrance insupportable, voire scandaleuse de bousculer nos certitudes économiques, scientifiques, relationnelles les plus anciennes pour nous faire basculer dans un monde devenu soudain sans boussole ? La sagesse serait alors non de se plaindre comme Job, mais de réfléchir à l’histoire de Goliath abattu par le silex de David. Comment ne pas réfléchir en profondeur à cette chaîne de causalités si complexe qui rassemble dans un joyeux désordre temporal la déforestation sauvage, mettant en contact nouveau et inhabituel des animaux vivants et des humains (en l’occurrence les chauves-souris porteuses de ce coronavirus), la plantation déraisonnable d’arbres fruitiers qu’elles convoitent, les transports ultra-rapides véhiculant en quelques heures un virus à l’autre bout de la terre, la corruption et la consommation effrénée qui n’ont cure de la santé publique, etc. ?

Un comportement déraisonnable
Toute cette pléiade de responsabilités dont on pourrait attendre un minimum de réflexions voire d’actions, semble, et c’est très étonnant, reléguée à des questions de laboratoire ou de muséum d’histoire naturelle. Car notre comportement déraisonnable ne doit pas être remis en question. Se réinterroger sur notre mode de vie (jouissance de l’instant présent, transport à tout crin, illusion de protection par les frontières, transfert des questions de santé publique sur la réanimation, instrumentalisation de l’animal réduit à une simple marchandise) apparaît comme bien vain. Au lieu de se poser la question de notre relation entre notre comportement et cette pandémie, la société évite désespérément cet affrontement, continue son chemin au sein d’une forêt qui brûle en confiant à la seule vitesse de circulation le fait d’échapper à l’incendie. Cette résignation devant les conséquences et cette indifférence au départ de feu sont révélatrices de notre hubris de moins en moins fondée.

Pourrait-on agir et penser autrement ?
Assurément oui ! Si nous écoutions les récits de certains malades de la Covid-19 après un passage transitoire très angoissant vers la mort ! Leur regard sur le monde a soudainement changé. Les hiérarchies d’action s’inversent. Le besoin de relation à l’autre l’emporte sur un égoïsme militant. Les forêts sont soudain sacrées, la relation à l’animal est réinterrogée. Les besoins spirituels, culturels, se ré-expriment timidement. Le confinement extrême des EHPAD scandalise. Protéger sa vie au risque de l’enfermement semble dénué de sens. Le concept « santé publique » est redécouvert dans son sens collectif et non dans son aspect désuet d’hygiène. Mais les changements à venir sont titanesques. La médecine peut-elle se réinventer dans sa double dimension
d’écoute personnelle et de choix collectif utile à tous ? L’hubris médicale du haut de ses robots, de ses images, de ses prouesses thérapeutiques, peut-elle un instant déposer les armes et se remettre en question ?

Un humain qui devient humain…
J’en doute à court terme, mais à long terme je le crois. Les générations Covid-19 ont vu à l’œuvre cette impuissance, cette humiliation de la médecine et surtout le besoin de réflexion globale sur la nécessité d’une interdisciplinarité. Travailler ensemble entre vétérinaires, médecins, agronomes sera un jour évident, comme s’il avait fallu quelques chauves-souris pour nous faire prendre conscience d’un vivant au sein duquel nous ne sommes qu’une petite part. Ou l’humain sera assez intelligent pour penser que ce que nous faisons subi aux animaux nous concerne en boomerang et il deviendra un humain au sens noble du terme ; ou il sera assez naïf pour penser que l’anthropocène est une nouvelle façon moderne d’occuper le monde et il régressera au niveau des espèces disparues.


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