Nous réclamant du Christianisme social, nous voulons dire notre tristesse et notre colère après la tentative de destruction de deux photographies d’Andres Serrano à Avignon. Nous soutenons le Musée d’Avignon et ses personnels dans la réouverture de l’exposition, nous nous étonnons devant la tiédeur des services de l’Etat dans la protection de l’exposition et la poursuite des délinquants, et nous interpelons les représentants des cultes pour qu’ils sortent de leur silence assourdissant en condamnant clairement ces actes et en désavouant l’évêque d’Avignon pousse au crime.
Toute personne a le droit de dire publiquement son désaccord avec une autre expression publique. Au-delà, la société française a fait le choix de ne restreindre la liberté d’expression que dans des cas limités, comme l’incitation à la haine contre un groupe en raison de son appartenance à une race, une religion ou une autre spécificité supposée. Comme citoyens, nous sommes inquiets de groupes religieux – et l’arbrisseau fondamentaliste musulman cache la forêt intégriste catholique - qui voudraient aller au-delà en imposant par le harcèlement et la violence un délit de blasphème. Certains d’entre-nous ont été victimes de ce type d’agression quand ils ont décidé de prier dans un cadre oecuménique pendant l’hiver 2009 avec des malades du Sida dans une église catholique parisienne. Nous soutenons le photographe Andres Serrano dans sa liberté d’artiste à s’exprimer.
Comme croyants issus d’une religion minoritaire, nous nous rappelons que ce délit de blasphème a dans l’histoire servit à torturer, exiler, condamner à mort des centaines de milliers d’athés et de croyants qui n’avaient que le tort d’être minoritaires. La liberté d’expression publique de la pluralité des convictions – même minoritaires, même scandaleuses - est un acquis sur lequel il faut rester inflexible. De ce point de vu, les attaques récurrentes contre des musulmans minoritaires de la part des gouvernements successifs est un signe aussi inquiétant que l’activisme liberticide de l’extrême-droite chrétienne. Nous soutenons le chrétien Andres Serrano dans sa liberté de dire sa foi à sa manière.
Comme chrétiens, nous lisons dans les évangiles un christ blessé, torturé et mis à mort : le mettre dans un verre d’urine nous le rappelle quand la symbolique des crucifix s’est émoussée à force de banalisation idolâtre. Nous lisons dans les évangiles un christ blasphémateur qui bouscule les évidences bigotes des croyants de son temps : nous remercions Andres Serrano comme Charlie-Hebdo des interpellations salutaires qui nous empêchent de nous endormir ou pire de nous transformer en croisés d’une soi-disante vérité que pourtant Dieu seul connait. Comme chrétiens, nous croyons en un Dieu vivant pour nous, Christ ressuscité, nous disant que la vie est désormais plus forte que toutes les formes de morts y compris sociales, économiques, culturelles, obscurantistes, sexistes ou homophobes : l’attitude courageuse du Musée d’Avignon est pour nous un très beau signe de résurrection à quelques jours des fêtes de Pâques.
Les intégristes catholiques ont blessé une deuxième fois le Christ à coup de marteau et de tournevis, les amoureux de l’art et de la liberté d’expression, croyants ou non, ont redit qu’il était vivant. Le message de Pâques reste toujours aussi radical, subversif et au-delà de tous les cadres et les enfermements.
Prise de position se réclamant du Christianisme social www.christianismesocial.org contact@christianismesocial.org
Le Christianisme social est un mouvement d’origine protestante né à la fin du XIXe siècle désirant confronter la foi chrétienne avec son environnement social, économique, politique, culturel et écologique et poser des paroles, des signes et des gestes de libération. Il a été relancé le 2 octobre 2010 à Paris.