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La parabole des talents, l’argent et la famille

samedi 24 novembre 2012, par :

Les entrepreneurs et les banquiers invoquent souvent la parabole des talents (Mat. 25) pour justifier la libre entreprise, la légitimité de l’enrichissement, le devoir de faire prospérer les deniers et les entreprises que l’on possède, éventuellement par héritage. Cette parabole justifierait aussi, semble t-il, le capitalisme, le libéralisme, l’économie de marché, et même le prêt à intérêts (cf. le jugement du patron sur le troisième serviteur). La parabole est également invoquée pour montrer que la fortune et la croissance sourient à ceux qui ont confiance et font confiance (à Dieu, à l’avenir, aux autres). « N’ayez pas peur » (cf.Jean-Paul II) serait donc un mot d’ordre non seulement pour les croyants mais aussi pour les entrepreneurs. On utilise aussi l’ambigüité (en français mais non en grec) du mot « talent » pour faire croire qu’il faut mettre en oeuvre les talents (c’est-à-dire les dons, les qualités psychologiques et les charismes) que l’on possède.

Mais en fait le sens de la parabole n’est pas là. Les talents sont en fait des lingots d’or qui symbolisent le trésor que Dieu confie à la responsabilité de ses serviteurs. Ils développeront ce trésor en faisant connaître Dieu, son message et son œuvre, au plus grand nombre,. Les deux premiers serviteurs acceptent de lancer le trésor de la Parole de Dieu dans le commerce du monde, alors que le Judaïsme, représenté par le troisième serviteur, s’y refuse pour ne pas le souiller. À l’époque de la rédaction de l’Évangile de Matthieu (80 ap. J.C.), la parabole a pour but d’expliquer pourquoi l’Eglise naissante (sous l’impulsion de Paul et Pierre) a eu raison de prêcher dans le monde païen (le monde gréco-latin) et de ne pas faire comme le Judaïsme de l’époque qui se refusait à tout prosélytisme. En effet, par son activité missionnaire, l’Église a pu faire fructifier le trésor en faisant de nombreux convertis parmi les païens.
Il faut donc, dit la parabole, accepter de prendre le risque de lancer le trésor de Dieu dans le monde profane. C’est là une justification de la politique d’évangélisation de l’Eglise naissante et du risque qu’elle a pris de paganiser le trésor de Dieu (en mettant fin à l’obligation de la circoncision, du sabbat et de la kashrout) pour mieux s’adapter aux païens du monde gréco-romain. C’est ce qui lui a permis de croître très rapidement (ce que symbolise le doublement des talents des deux premiers serviteurs).
Si l’on tient absolument à utiliser cette parabole à propos du thème « l’argent et la famille » , il faut remarquer les points suivants.

1-Les deux premiers serviteurs prennent le risque que les talents qu’ils ont reçus se perdent quand ils les lancent dans le commerce. Ils ne sont nullement certains de pouvoir les récupérer. Ainsi la parabole prêche plutôt l’acceptation du risque et de la perte plutôt que la confiance. De fait la confiance (surtout si c’est la confiance que l’on va s’enrichir) n’est pas forcément une vertu chrétienne ; de plus c’est l’excès de confiance, à l’origine des « cavaleries » des « subprimes » qui a été à la cause de la crise actuelle.

2-Les deux premiers serviteurs ne cherchent nullement à préserver et à conserver leur héritage sacro-saint. Ils ont reçu des talents « sacrés » (confiés par le patron qui représente Dieu), mais ils lancent ces talents dans le monde profane et ceux qu’ils recouvrent ensuite viennent du monde profane. Ce ne sont pas les mêmes que ceux du départ. Les talents ont certes été multipliés par deux mais c’est de l’ « argent sale » ou plus exactement païen et non kasher. Et le patron (Dieu) est néanmoins content.

3- Pour les deux premiers serviteurs, les talents sont comme un ballon de rugby qu’il ne faut pas garder pour soi mais bien au contraire faire passer de main en main, avec les risques que cela suppose. En revanche le troisième serviteur a voulu conserver son héritage intact en le considérant comme sacré. Et le patron (Dieu) le réprimande.

4-Selon la parabole, les serviteurs ont eu raison de répandre le trésor qu’ils ont reçu dans le monde entier, bien au-delà de la famille de leur communauté initiale (à savoir la communauté juive). La parabole récuse tout « restons entre nous pour préserver nos valeurs » (alors que c’était la manière de voir du Judaïsme) pour prôner une forme de mondialisation et d’incarnation dans le monde profane et païen. Elle récuse ainsi tout communautarisme, esprit de secte et de famille.

Alain Houziaux, Pasteur de l’Eglise Réformée de France.

  • #1 Le 29 novembre 2012 à 13:49, par CHEL Gabriel

    Si Jésus a effectivement dit cette parabole, il faut certainement la comprendre au sens figuré. En aucun cas elle ne peut justifier l’enrichissement. La position de Jésus par rapport à l’argent est on ne peut plus claire : il faut partager, venir en aide aux pauvres et aux malheureux : Bienheureux ceux qui ont faim et soif de Justice... Si tu veux être parfait distribue tes biens aux pauvres... Le fils de l’homme n’a pas une pierre où reposer la tête... Il est plus difficile à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille (ce n’est pas là une condamnation, c’est une constatation attristée : si le Royaume de Dieu est bien celui de la Justice et de l’Amour et donc de la fraternité, comment celui qui garde sa richesse pour lui alors que son frère meurt de faim, pourrait-il y entrer ou y demeurer ? !!! ) ... etc. ... etc.



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