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Article publié

la dette - une richesse ? 5

La remise des dettes - Approches bibliques et débats

jeudi 27 juin 2013

Patrice Rollin propose une lecture de Lévitique 25 et Deutéronome 15 sur la remise des dettes et en particulier sur la servitude pour dette.
Le ton est celui d’une intervention orale, qui est suivie du dialogue avec les participants sur l’ACTUALITE ECONOMIQUE, POLITIQUE, SOCIALE de la question de la dette.

Patrice Rolin :
Ce qui est intéressant, c’est que dans toute l’Antiquité, mais alors très largement, si on intègre le Moyen Orient ancien avec la Mésopotamie, si on intègre le monde biblique, si on intègre la Grèce comme cela vient d’être abordé et puis Rome, donc ça couvre deux millénaires au moins. Dans chacune de ces civilisations ou ensembles culturels ou de pensée, on a essayé de légiférer sur la servitude pour dette. C’est-à-dire que la servitude pour dette existe dans ces différentes sociétés, ensembles culturels et religieux, à savoir le fait que des gens ne pouvant plus rembourser et ayant déjà tout vendu, ayant déjà tout donné, n’ont plus qu’eux-mêmes à offrir comme remboursement éventuel ou leur travail pour apurer la dette et encore c’est une dette qui va rarement s’apurer complètement, puisqu’une fois qu’on s’est soi-même donné, il n’y a pas beaucoup de temps pour, je dirais, « avoir du rab » par rapport au remboursement de la dette pour le maître. Et de toute façon, c’est le maître qui décide de combien vaut le don que vous avez fait de vous-même. Entre temps vous avez pu déjà avoir eu à vendre vos fils ou vos filles avant d’avoir à vous vendre vous-même.

Donc, chacune de ces sociétés a légiféré et vous l’avez en bas de votre page du côté où il y a marqué l’année jubilaire, mais tout en bas. C’est le parallèle le plus ancien que j’ai trouvé, ça vaut le coup quand même de le lire, c’est dans le code d’Hammourabi, donc 18e siècle avant Jésus Christ : « Si une obligation a contraint quelqu’un à donner contre argent son épouse, son fils ou sa fille ou à ne pas cesser de les donner en sujétion pour dette, ils travailleront pendant trois ans dans la maison de leur acheteur ou de leur détenteur ; leur libération aura lieu la quatrième année. ». Je trouve cela intéressant de voir qu’on est au 18e siècle avant Jésus Christ et on prévoit que ça doit avoir une fin. Et il semble même d’après les sources que j’ai consultées, que dans des conditions économiques exceptionnelles, le souverain pouvait décider d’un affranchissement.
Donc avec le texte que nous allons lire dans Deutéronome 15, on n’a pas à faire à la première occurrence de cette idée qu’il y a peut-être une réalité qui amène des gens à se vendre pour payer leur dette, mais cela doit avoir une fin. Il y a une borne finale.
Ce qui est tout à fait intéressant aussi, c’est de voir que le texte du Deutéronome que nous allons lire, c’est toujours très compliqué de dater les textes de la Torah, mais en tout cas, le noyau traditionnel qu’il y a derrière Deutéronome 15, on peut le faire remonter au 7e siècle avant Jésus Christ même si la mise en forme du Deutéronome est ultérieure. Pour le texte de Lévitique 25, que nous ne lirons pas mais que vous pourrez aller voir, on va encore un peu plus loin, c’est 6e ou 5e siècle. Eh bien ! ce qui est tout à fait intéressant, c’est que, à la même période ou même un tout petit peu antérieurement, en Grèce, à Athènes, on avait aussi légiféré sur la servitude pour dette, mais il y a, édicté par Solon, un homme politique de la fin du 7e début du 6e siècle, une loi qui met fin et même qui interdit de se donner soi- même en gage pour la dette et il déclare une libération de ceux qui sont actuellement à Athènes. Alors, évidemment, on verra que cela ne concerne souvent que les citoyens du pays, comme dans les textes bibliques, cela concerne souvent les frères. Mais c’est déjà pas mal, cela concerne les Athéniens, d’ailleurs, il semblerait qu’au 6e siècle à Athènes, cela ait provoqué quelques remous parce qu’il y avait ceux qui n’étaient pas Athéniens et qui râlaient parce qu’ils n’étaient pas libérés et il y a ceux qui étaient esclaves pour d’autres raisons que pour dettes qui ne tombaient sous le coup de cette libération qui s’appelait, vous verrez j’en parlerai juste pour terminer, la seisac theia qui veut dire littéralement secouer le joug, secouer le fardeau, donc Solon a décidé qu’on allait secouer le fardeau.
Et c’est tout à fait intéressant de constater que cette disposition, eh bien ! elle est quasi contemporaine du Deutéronome que nous allons lire maintenant.

Lecture des versets 15 à 18.

Merci beaucoup. Une des choses qu’il est intéressant de noter, c’est que dans les trois grands Codes de lois qui se trouvent dans la Torah, le Code de l’Alliance dans l’Exode, le Code deutéronomique dont nous venons de lire un passage et le Code de Sainteté dans le Lévitique que vous pourrez lire au verso de votre feuille, dans les trois grands Codes, disons plus que quelques versets, une section est consacrée à la remise qui du côté du Lévitique s’appelle le Jubilée, mais il y a un moment, alors avec le Lévitique 25 c’est au bout de 7 fois 7 années, c’est-à-dire au bout de 49 ans, ça commence à faire une paye, ça fait plus qu’une génération ! mais en tout cas pour ce qui est du Code deutéronomique, c’est relativement bref puisque c’est l’année sabbatique, c’est au bout de 7 ans.
Donc les trois grands Codes consacrent une section importante pour détailler comment est-ce qu’on met fin à la servitude pour dette.
J’aimerais vous demander d’essayer de repérer ce qui motive dans notre texte, pas dans notre tête, hein ! dans notre texte, ce qui motive une telle consigne. Quels sont les arguments, les présupposés, les objectifs d’une telle consigne ? d’un tel ordre ? Qu’est-ce que vous avez repéré ? Je vous laisse le regarder tranquillement.

Public :
C’est quand c’est dans son pays.
Patrice Rolin :
Alors là on n’est pas dans les motivations, mais c’est vrai que c’est important. On fixe qui sont les bénéficiaires potentiels et on voit bien que c’est à l’intérieur du pays. Et puis quand vous lirez chez vous Lévitique 25, vous verrez qu’il y a une ambiguïté, parce qu’au départ on dit « ton frère » mais après on dit « ton frère, même si c’est un émigré ou un résident temporaire. Alors, il faudrait savoir : c’est ton frère ou c’est un émigré temporaire ? Et puis après c’est si c’est un émigrant et on ne sait pas trop quel est le statut de ce résident temporaire, est-ce que c’est un frère juif émigré ou résident temporaire ou est-ce que c’est un vrai étranger ?
Mais vous avez bien noté que dans notre texte, c’est ceux du pays, un petit peu comme avec la libération de Solon à Athènes, cela concerne les Athéniens. C’est-à-dire que pourquoi est-ce que cela ne s’applique pas à tout le monde ? On se posera la question.
Mais revenons à la question des motivations et des objectifs et de l’argumentation qui justifient…
Oui ?
Public :
L’argument principal, c’est « Souviens-toi que tu as été toi-même esclave et libéré… » cela fait partie de ton identité ; puisque, moi, je t’ai libéré, toi …
Patrice Rolin  :
Oui, exactement : Puisque, moi, je t’ai libéré, alors tu vas faire … Voyez qu’on est très très proche d’un texte qu’on a travaillé avec François Vouga tout à l’heure. C’est-à-dire qu’une des motivations, c’est qu’il y a antécédence d’une libération. Et d’ailleurs, où est-ce qu’elle est la communauté à qui on s’adresse ? Dans la façon dont la Torah nous raconte, quand est-ce que la Loi est donnée ?
Public  :
Après la sortie d’Egypte
Patrice Rolin :
On n’est pas encore rentré en Canaan et c’est là que la Loi est donnée du point de vue du récit. Et donc on vient d’être libéré et on reçoit les consignes pour comment on va se comporter.
Public :
je voulais ajouter : c’est aussi à cette condition qu’on pourra entrer dans le pays, dans la Terre Promise.
Patrice Rolin :
C’est aussi à cette condition qu’on pourra entrer dans la Terre Promise. Et la Terre Promise, elle est présentée comme quoi à plusieurs reprises dans notre texte ?
Public :
comme une bénédiction
Patrice Rolin  :
Comme une bénédiction, comme un don. Je trouve cela tout à fait intéressant, c’est que la Communauté à qui s’adresse cet ordre de mettre fin à la servitude pour dette est constituée par le fait qu’elle a été elle-même libérée par un don de la libération et elle est en chemin, vers un autre don, le don du pays. On a une recommandation d’affranchissement parce qu’on a été affranchi et parce qu’il nous sera encore donné. Et voyez qu’on est exactement dans la même logique de la circulation du don. Et c’est cela qui motive la libération.
Alors c’est vrai qu’on pourrait dire : Mais c’est dégueulasse pour l’étranger ou pour le « pas Athénien » si on était à Athènes. Mais en même temps, ce qui constitue la Communauté des hommes libres à Athènes, ou ce qui constitue la Communauté des fils d’Israël au désert, c’est qu’ils sont la communauté de ceux qui vivent de la libération et c’est pour cela que c’est dans leur sein que l’ordre a de la pertinence.
Quelques petites remarques de vocabulaire avant d’arriver presque vers une conclusion : vous avez à plusieurs reprises le terme de la remise, voyez au verset 1 au verset 2, au verset 3, cela réapparait au verset 9, la remise. Cela peut peut-être vous faire penser à la remise commerciale, on vous offre une paire de chaussures avec une remise. Non, là, c’est vraiment un terme qui indique la relâche, le lâcher-prise. Il y a un moment où il doit y avoir un lâcher-prise, un laisser-tomber. Et puis, vous avez plusieurs fois l’idée de prêt sur gages. C’est tout à fait intéressant que ce qui est dénoncé, ce n’est pas tant le prêt, ni même le prêt avec intérêt, l’usure, les prêts exorbitants seront dénoncés ailleurs, mais c’est le prêt qui va gager, qui va hypothéquer et potentiellement rendre l’emprunteur aussi pauvre ou plus pauvre qu’il n’était puisqu’une fois qu’il aura remplacé, soit il aura tout payé, soit on lui aura pris son gage. Et le gage, on voit que dans le cas de la servitude volontaire, c’est soi-même. Et finalement, ce qui est dit là derrière, verset 6, toi tu prêteras sur gages mais tu n’emprunteras pas sur gages, c’est-à-dire que tu ne te gageras pas toi-même. Tu ne peux pas te gager toi-même. Tu ne peux pas hypothéquer ta vie. C’est ça qu’il y a derrière et l’idée que si on fait partie de la même communauté des libérés, alors on ne peut pas imaginer que l’histoire personnelle de quelqu’un s’arrête à cause du fait qu’il a été gagé.
Public  :
alors à qui il prête si on n’a pas le droit dans la communauté, on prête à l’étranger ?
Patrice Rolin :
il peut prêter à l’étranger ou il peut prêter sans gage parce que la question, c’est le prêt sur gage. Tu ne fermeras pas la main à ton frère mais tu ne lui demanderas pas un gage. Parce que s’il y a un gage, alors tu le tiens, tu le tiens au collet s’il a accepté. On retrouvera ce gage dans la législation romaine avec le nexon, mais qui sera aussi aboli temporairement à un moment. Cette idée qu’on ne peut pas se livrer soi-même et surtout pas les siens parce que cela arrêterait la circulation, en tout cas cela arrêterait l’histoire personnelle.
Si on veut laisser un temps à la discussion, j’aimerais juste terminer, mais vous irez voir ces textes qui sont je crois exactement dans la même logique que celui de Matthieu que nous avons vu.
En cherchant à dater plus précisément cette fameuse seithhakteia, ce secouement du fardeau, j’ai trouvé une date qui vaut ce qu’elle vaut, c’est 594 avant Jésus Christ, mais, voyez, on est dans la même période, à l’époque du Deutéronome. Eh bien ! pour faire le lien avec notre actualité, j’ai découvert sur internet qu’il y a une association qui est née en Grèce qui s’appelle seithaktéia, donc « secouer le fardeau » et qui vise à récupérer plus d’un million de signatures en disant : dans notre Antiquité, on a des valeurs qu’il faudrait remettre au goût du jour et qui nous rappellent qu’on ne peut pas livrer un peuple en servitude pour dette. C’est tout à fait étonnant de voir le pont avec trois mille ans d’intervalle. Mais je crois qu’on est là tout dans la même logique.
Voilà ce que je voulais partager avec vous. Retenons simplement la remise de dette, le jubilée en Lévitique 25 ou la remise de dette dans Deutéronome 15. C’est une remise de dette qui peut se faire parce qu’on est la communauté des libérés d’Egypte et qui allons aussi recevoir un don. Je vous remercie.

Deuxième discussion
Public  : Je voulais remercier Patrice d’avoir insisté là-dessus. Au moment des élections présidentielles en France, il y a eu des mouvements de comités d’audit de la dette. Il y a eu aussi ici en France une pétition qui demandait une audit de l’annulation partielle. Il y a eu des remises en question, peut-être pas avec des noms aussi savants et inscrits dans la culture. J’ai manifesté, j’ai été amenée dans le cadre professionnel à rencontrer ces personnes et une chose m’est apparue, juste ou pas juste, je n’en sais rien, j’ai un peu provoqué les Grecs là-dessus. Je leur ai dit : Il y a quelque chose qui m’intrigue complètement dans cette histoire. Je n’avais pas cette culture à ce point que vous nous donnez. Il y a quelque chose qui n’allait pas, que ça aille si loin, que ce soit aussi monstrueux comme vous le disiez tout à l’heure. Je sentais vraiment que j’étais provoquée à l’intérieur de moi, ce n’est pas admissible que le peuple grec soit traité comme cela. Ce n’est pas seulement un endettement, une logique commerciale, une idéologie capitaliste ou pas, c’est un peuple. Quel est le lien par rapport à nous ? C’est quand même dans notre culture. Vous n’arrêtez pas de parler d’Aristote, mais c’est nous, c’est notre culture méditerranéenne. Mais je me suis dit, vous me direz si c’est exagéré, je me suis dit : mais on est devant un génocide parce que c’est un peuple qui est poussé à bout, qui ne peut pas s’en sortir dans cette logique. Merci Annick, merci Bernard de nous avoir réexpliqué la chose. On va au bout du bout. Il n‘y a pas la remise de 7 ans ou je ne sais quoi. On a cassé tous les cadres qui étaient de la morale pour éviter cela. Alors le génocide, il n’est pas guerrier, on n’est pas à la seconde guerre mondiale, pour moi, j’ai senti la même douleur, j’ai senti la même chose et j’ai provoqué, j’ai demandé est-ce que vous n’êtes pas en train d’assister de façon absolument passive au génocide et j’ai questionné plus loin en disant mais pourquoi ? qui a intérêt au génocide de la Grèce ? qui a intérêt que la Grèce soit foutue en l’air, après, l’Espagne, l’Italie plus ou moins, la France éventuellement, il y a des pièces rapportées comme l’Irlande et le Portugal. Je me suis dit : mais c’est toute la Méditerranée qu’on fout en l’air, c’est toute la Méditerranée qui est en train d’y passer ! Ce n’est pas géopolitique, c’est complètement culturel, et ça, ils n’en veulent pas. Notre racine culturelle. On n’acceptera pas parce que nous, on a quelque chose dans notre histoire qui nous dit : « non, après 7 ans on remet tout à plat ». C’est vraiment génial de pouvoir se battre là-dessus.
François Vouga
 j’ai une petite question à Bernard qui reprend ce que vous êtes en train de dire, puis j’ai une question pour Patrice.
Bernard, au début de ton exposé, tu parlais de la situation d’inéquité qui existait, qui existe encore entre le Nord et le Tiers Monde et tu as dit : maintenant cela se déplace entre l’Europe du nord et l’Europe du sud, l’Irlande n’est pas au Sud, mais ils sont catholiques, mais il me semble que cela s’accompagne encore d’une autre radicalisation, pas seulement l’Europe du nord, l’Europe du sud, mais c’est les spéculateurs individuels et l’Etat. Il faudra qu’on y revienne dans la journée, parce qu’au fond, c’est l’abolition du politique, c’est l’abolition programmée du politique. Je trouve que c’est extrêmement intéressant.
Bernard Piettre  :
J’ai fait un peu exprès de me référer à Aristote parce que sa réflexion est à la fois éthico-politique, éthico-juridique et politique à propos de la justice. Il y a un texte de Keynes, qui pour le coup est un très grand économiste, qui explique : pour lui, si la politique n’a pas la voix sur l’économie, on est foutu. Or c’est ce qu’on est en train de vivre !
Public  : On n’a plus besoin d’aller voter…
François Vouga  :
mon autre question et maintenant je vais dire une horreur. Au fond je trouve que l’idée de l’esclavage trois ans pour dette, c’est pas mal ! Je mets juste en rapport avec ce qu’Agnès disait. Si ton Elisabeth avait dû pendant trois ans faire la cuisine et le ménage pour sa mère, ça eut été fini ! La question est de savoir quelles sont les dettes qui obligent et celles qui n’obligent pas. Alors, ça, il faudrait discuter mais si on prend les dettes qui obligent, au fond, moi, je trouve que cette idée de trois ans limités…Tu disais qu’il ne fallait pas que le paiement des dettes interrompe l’histoire personnelle, mais au fond ce qui est intéressant dans l’histoire d’Elisabeth, c’est qu’il n’y a pas interruption de l’histoire personnelle, il n’y a plus d’histoire personnelle, ça c’est autre chose ! c’est l’enterrement de l’histoire personnelle. Alors peut-être qu’une interruption de l’histoire personnelle, c’est mieux qu’un enterrement de l’histoire personnelle. Au fond, c’est mieux quelquefois d’être esclave de quelqu’un d’autre que de soi-même.
Agnès Kabongo Mbaya :
prendre la décision de faire le ménage pour arrêter la dette, c’est très important. Ca reste au niveau moral, intellectuel. Parce que, quand vous n’avez pas pris la décision, vous allez faire le ménage, et après le ménage, vous allez faire quoi encore ?
François Vouga  :
mais justement, si elle était condamnée pendant trois ans à faire le ménage par une instance extérieure, après, au bout de trois ans, c’est fini !
Patrice Rolin
Je réponds juste rapidement à François. Je suis complètement d’accord avec toi. Quand je dis « interrompre une histoire personnelle » cela veut dire y mettre fin définitivement. Et les textes à la fois Deutéronome 15 et Lévitique 25 n’interdisent pas de se donner en gage, mais disent cela doit avoir une fin et la fin est programmée.
Hélène :
Je voudrais savoir jusqu’où pensent aller les spéculateurs ? est-ce qu’ils ne sont pas en train de creuser leurs propres tombes ?
Annick Jacq :
la question est de ne pas être enterré avant eux (rires)
Public (Hélène ?)  :
la question n’est pas là. Quel est leur projet ? Je pose la question : quel est leur projet ? parce que c’est une espèce de folie qui entraîne tout le monde dans un abîme et au bout du compte, qu’est-ce qu’ils vont avoir ? A part l’argent, qu’est-ce qu’ils vont en faire ? A quoi cela leur servira-t-il ?
Christian : (pas très audible)
Je trouve intéressants les plaidoyers que nous avons entendus pour réintroduire la question morale dans l’économie, pour ré enraciner l’économie dans la morale. Souvent on se sent discrédité sur ce terrain-là si on n’a pas un minimum de connaissances économiques…et du coup, ça passe entre les mains de techniciens. Peut-être que nous, protestants, on a un peu de mal avec la morale parce qu’on a peur d’une morale qui asservit et du coup on ne réfléchit pas sur ce plan-là, pas suffisamment.
Et la 2e remarque que je voudrais faire et avec la signification que tu donnais de la remise, finalement tu dis c’est du lâcher-prise. Je trouve intéressant de trouver plusieurs fois dans le texte : tu n’endurciras pas ton cœur ou tu ouvriras ta main ; Il y a là quelque chose de précieux sur une disposition à avoir : à un moment de lâcher-prise, de laisser aller.
François Vouga
C’est à propos de ce que vous avez dit à propos du but des spéculateurs. Je crois que vous êtes en train de faire un procès d’intention à savoir que vous présupposez qu’ils ont un but, or, ce qui me paraît intéressant. Je reviens à l’histoire d’Elisabeth de ce matin. Elle n’a pas de but. Elle est téléguidée par derrière. Or, c’était un peu à ça que je pensais quand j’ai parlé de l’esclavage de soi-même parce que ou bien vous avez une conception interpersonnelle réciproque de la dette mais une fois que vous avez objectivé la dette et que vous avez glissé dans les mathématiques, vous n’avez plus que des rapports « je/cela » mais avec vous-même aussi. Alors je dirais d’une manière tout à fait analogue ils se trouvent exactement dans la même situation que la situation d’Elisabeth. C’est-à-dire qu’il y a téléguidage par derrière d’auto-esclavage plutôt qu’un but.
Public :
Je voudrais revenir sur la citation d’Aristote, « rendre à chacun ce qui lui est dû ». C’est une justice quantifiable, mais qui décide des prix ? qui décide de combien de quelque chose il faut donner pour avoir quelque chose d’autre. Pour moi, c’est une autre manière où la finance a corrompu le système. C’est les gens à qui quelque chose est dû qui décident des prix. C’est un système qui est corrompu au moment où un des acteurs de « rendre à chacun ce qui lui est dû » peut manipuler le prix. On peut discuter si c’est juste si c’est l’amour de Dieu. Dans la citation d’Aristote, c’est clairement une justice du monde et qui décide du prix ? C’est extrêmement important. Ce qui est intéressant entre la mère et la fille, on essaie de ne pas le quantifier, mais pour la fille, c’est infini, mais qui décide ce prix-là ? une solution, cela pourrait être ces trois ans. (fin peu audible)
Annick :
c’était par rapport à la question de la remise, peut-être une information que j’ai eue il n’y a pas longtemps et je ne me rappelle plus où je l’ai entendue mais qui est intéressante, c’est de savoir qu’en fait l’Allemagne dans les années 60 ou la fin des années 50, s’est vue remettre ses dettes. En fait l’Allemagne après la 2e guerre mondiale avait une énorme dette, en particulier, c’était une partie de la dette qui restait du Traité de Versailles, des compensations de dommages de guerre qui n’avaient pas été payés à la suite de la prise de pouvoir par Hitler. Donc l’Allemagne avait une très forte dette et en fait les pays occidentaux, les Etats-Unis aussi dans le cadre de l’investissement du plan Marshall. Il y a eu une décision de remise de plus de 50 % de la dette allemande. C’est quand même intéressant de le savoir parce que c’est exactement ce que l’Allemagne refuse à l’heure actuelle de faire pour d’autres pays alors que sa prospérité probablement n’existerait pas à l’heure actuelle s’il n’y avait pas eu cette remise de dette.
Christian :
L’Allemagne est le pays qui a fait le plus de défaut au XXe siècle, de défaut de paiement de sa dette et aujourd’hui elle refuse le contrôle de ses caisses d’épargne.
Public :
il y avait des discussions il y a quelques mois, avant les élections sur l’idée que ceux à qui on donnait le RSA devraient en échange travailler. Bien, je pense qu’on revient à la servitude.
La 2e chose justement sur le juste prix, les gens qui font du commerce équitable s’appuient sur la réflexion d’Aristote et proposent, d’ailleurs, que les mécanismes du commerce équitable s’étendent de façon plus générale. Mais pour cela, il faut sortir de l’OMC.
3e chose, Moi, je m’interroge sur la morale du capitalisme, car ils essaient donc se montrer un peu de morale avec des fondations, mais le capitalisme est un mécanisme qui oblige à toujours plus de profit et ils cherchent comment faire. Alors il y a la spéculation financière et il y a par exemple la production d’armes et évidemment la dépense d’armes à travers les guerres un peu partout.
Bernard Piettre :
Deux choses. A propos de la remise de la dette dans le sens que vient de dire Annick, Strauss Kahn, même si cela ne paît pas de rappeler son nom, Strauss Kahn était partisan de la remise complète de la dette de la Grèce. Et Fillon, quand il avait entendu ça, avait crié au scandale. Bon, ça, c’est un rappel.
Deuxième chose par rapport aux questions très importantes qui ont été posées ici : qui décide le prix ? Et c’est vrai que c’est une faiblesse dans la pensée d’Aristote, en tout cas, c’est la Cité, et là on est dans l’ordre du politico-juridique qui quelque part doit réguler l’ensemble de la Cité et éviter qu’il y ait des formes « contre-nature », selon l’expression d’Aristote, de l’économie. Et c’est intéressant parce qu’historiquement en fait la Grèce antique, et Rome encore plus, va connaître des débuts de capitalisme, le prêt à intérêt, mais plus que cela, déjà de la spéculation. Donc, c’est en observant ces phénomènes que quelque part déjà à l’époque, Aristote tirait le signal d’alarme. Mais c’est vrai qu’il y a ici peut-être une faiblesse dans la pensée d’Aristote. Aristote se réfère à la nature. Qu’est-ce qu’un prix conforme à la nature ? Et, bien sûr, la grande théorie libérale c’est de dire que qu’est-ce qui fixe le prix ? c’est un équilibre de l’offre et de la demande. Et à ce propos-là, je voudrais lire simplement un passage que je n’ai pas pu lire, mais j’en profite (rires)
Un passage très court du Manifeste des économistes atterrés : « l’erreur majeure de la théorie de l’efficience des marchés financiers consiste à transposer aux produits financiers la théorie habituelle des marchés ordinaires. Sur ces derniers, la concurrence est pour partie auto-régulatrice en vertu de ce qu’on nomme la loi de l’offre et de la demande : lorsque le prix d’un bien augmente, alors les producteurs vont augmenter leur offre et les acheteurs réduire leur demande, le prix va donc baisser et revenir après à son niveau d’équilibre. Or, pour le marché de la finance, la situation est radicalement différente, quand le prix augmente, il est fréquent d’observer, non pas une baisse mais une hausse de la demande. En effet la hausse des prix signifie un rendement accru pour ceux qui possèdent le titre du fait de la plus-value réalisée. La hausse du prix attire donc de nouveaux acheteurs, ce qui renforce encore la hausse initiale, les promesses de bonus des traders amplifient encore le mouvement jusqu’à l’incident imprévisible mais inévitable qui provoque l’inversion des anticipations et le crash. » C’est-à-dire que là la logique financière fait que les prix augmentent d’une manière complètement artificielle et que donc ceux qui décident le prix, c’est malheureusement le monde de la finance laquelle nous mène à la catastrophe.


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