Le groupe girondin du christianisme social continue sa réflexion sur la crise de la démocratie. Après avoir travaillé sur l’histoire du gouvernement représentatif, à partir de différents ouvrages qui abordent ce problème (Manin, Christin, Rosanvallon, van Reybrouk...), il a fallu envisager des solutions alternatives aux difficultés qui sont les nôtres. C’est dans cette perspective que le groupe a invité Etienne Chouard.
Les thèses d’Etienne Chouard sont connues : il est favorable, dans certaines conditions, au tirage au sort de ceux qui auront la charge de gouverner - ce qui suffit généralement à faire sortir de leurs gonds les pseudo-spécialistes de la science politique - , il défend l’idée hautement subversive que, devant la confiscation du pouvoir du peuple par une classe politique largement inféodée à la finance internationale, il convient que les citoyens se mettent à réfléchir à la constitution qu’ils souhaiteraient établir. Cette tâche est vitale si l’on ne veut pas que le processus constituant soit sous la coupe de ceux-là même qui entendent exercer et conserver le pouvoir (ce qui est le cas depuis 1789).
De là les ateliers constituants auxquels Chouard nous convie à nous atteler. Il y avait, ce soir-là, plus de 120 personnes, jeunes pour la plupart, qui avaient répondu à son invitation. Des jeunes fort éloignés de nos propres réseaux (lesquels d’ailleurs brillaient par leur absence), tous passionnés par l’idée que l’on fasse appel à leur intelligence, à leur créativité et à leur sens des responsabilités pour sortir des ornières où nous nous enfonçons.
Chaque atelier était constitué d’une dizaine de personnes qui planchaient sur les thèmes les plus divers, avec comme seul conseil de méthode de s’écouter mutuellement, de ne pas monopoliser la parole et de se fixer comme but la rédaction d’un ou deux articles d’une constitution à venir. Ils ont abordé le thème de la laïcité, des medias, du contrôle des responsables par le peuple ... et d’autres encore. Pas question ici de résumer ces discussions : l’agora citoyenne l’a fait à partir des feuilles sur lesquelles ont été écrites quelques propositions-clés.
D’ailleurs, Chouard aide les participants à prendre conscience que l’essentiel n’est pas tant ce à quoi ils vont aboutir, puisque d’autres ateliers en d’autres lieux aboutiront à d’autres propositions, que le fait d’entrer dans ce processus de réflexion collective, que cette initiation à la confrontation d’opinions qui n’a rien à voir avec les débats stériles et truqués qu’on montre à la Télé.
Et il les incite à continuer ce travail sans lui. Quand je suis avec vous, dit-il, ça marche ; mais quand je ne suis pas là, votre enthousiasme faiblit ! C’est à vous qu’il incombe de poursuivre la tâche initiée. Nul culte du chef, ici, on le voit, nulle manipulation. Mais une éducation réelle à la citoyenneté comprise comme reprise en main par les citoyens de ce pouvoir que tout, dans l’organisation politique actuelle, vise à leur interdire.
Tous les jeunes qui sont là n’en sont pas, c’est évident, au même degré d’engagement politique. Certains sont dans des combats déjà très ciblés, au niveau local. Mais que veut dire "local" à l’époque d’Internet ? D’autres sont dans des mouvances plus floues. L’ambiance est chaleureuse. L’épisode du pique-nique - parce qu’il fallait bien aussi se nourrir - a été magnifiquement organisé par une petite équipe. Et la salle a été remise en ordre en un tour de main.
Chouard dont la notoriété est due à l’usage qu’il a su faire du Net, depuis son opposition au traité européen, et des réseaux sociaux, est en même temps un remarquable prescripteur de lectures. Il incite ses auditeurs à bouquiner aussi bien Henri Guillemin, un historien anti-conformiste, que la dénonciation de l’Imposture économique de Steve Keen ou une étude sur la guerre de 14, La grande guerre des classes de Jacques R. Pauwels. Car il faut avoir des armes intellectuelles pour lutter contre les discours dominants, parce que l’histoire réelle n’est pas celle qu’on nous a enseignée, parce que l’économie se targue d’une scientificité qu’elle ne possède pas, parce que les intérêts des puissants ne sont pas ceux des peuples ; parce qu’il faut se tenir prêt pour les combats présents et à venir.
A ses conseils, j’ajouterai, pour ma part, un article passionnant de Marion Rousset, dans le supplément du Monde, Culture et Idées, du 21 février 2015 sur "les mille visages des indignés". Et le bouquin collectif dirigé par Sophie Wahnich, Histoire d’un trésor perdu, transmettre la Révolution française, que tout le monde a intérêt à lire.
Pour ce qui est de notre groupe girondin, nous retenons la leçon de cette soirée et nous proposerons, dans les semaines à venir, de poursuivre les ateliers constituants sous des formes que nous préciserons. Patrick RÖDEL
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Article publiéAteliers constituants
Crise de la démocratie
Alternatives au régime représentatif
vendredi 27 février 2015, par :
La soirée-débat du 19 février a réuni 120 personnes au Centre Hâ32 de Bordeaux
Sortir de la crise de la démocratie
• Introduction par Etienne Chouard
• Pique-nique citoyen tiré des sacs
• Ateliers constituants