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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Fillon et ses soutiens de l’extrême-droite catholique

Attention danger !

vendredi 16 décembre 2016

Ce texte est paru le 26 novembre sur Médiapart.

Ils sont protestantEs, catholiques et agnostiques, se réclamant du Christianisme social. Une partie n’a pas voté à la primaire de la droite et du centre, l’autre a soutenu Alain Juppé jusque dans les urnes. Ce dimanche, tous appellent à faire barrage à François Fillon.

Nous sommes des protestants et des catholiques de gauche et/ou écologiste, nous réclamant du Christianisme social ou attachés à ce courant de pensée. A priori, le second tour de la primaire de la droite ne devrait pas nous concerner. Pourtant, certains d’entre nous ont voté pour Alain Juppé au premier tour, d’autres le feront au second tour. Tous nous appelons à faire battre François Fillon. Pourquoi ?
Alain Juppé a mis le débat sur la table – et François Fillon ne peut s’en sortir en le balayant d’une petite phrase – en dénonçant la vision "conservatrice" de François Fillon et en se déclarant plus proche du pape François que de la Manif pour tous. Au second tour de la primaire de droite s’affronte effectivement deux visions du catholicisme.

D’un côté, un catholicisme de centre-droit, qui au moment de la Seconde guerre mondiale choisit Londres plutôt que Vichy (Edmond Michelet, Jules Catoire, un peu plus tard Maurice Schumann et surtout la foule des militants de l’action catholique, de la CFTC et du scoutisme), qui avec l’ancien éclaireur catholique Bernard Stasi dit que « l’immigration est une chance pour la France » ou avec François Bayrou s’oppose à l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes. Un catholicisme humaniste dont beaucoup de militants s’engagent tous les jours dans de nombreuses associations de solidarité comme le Secours Catholique, que nous retrouvons aujourd’hui à nos côtés dans les mobilisations locales pour l’accueil des migrants. Nous trouvons ce catholicisme trop complaisant avec la violence sociale produite par le capitalisme et l’appelons à infléchir les positions économiques d’Alain Juppé qui a cédé aux sirènes ultra-libérales. Pour autant, en particulier au regard de l’Histoire, nous ne le confondons pas avec l’autre catholicisme de droite qu’incarne Sens Commun.

Ce courant au sein de Les Républicains n’est pas seulement le groupe de pression qui veut faire abolir la loi qui instaure le mariage pour tous, héritier de l’homophobe « Manif pour tous ». Une simple visite sur son site internet montre une vision du monde qui s’inscrit dans une certaine histoire d’un catholicisme très à droite, "décomplexé" disent-ils : suppression du droit du sol, déchéance de la nationalité élargie au-delà des seuls délits de terrorisme, suppression des enseignements de Langue et Culture d’Origine (l’arabe, le chinois, le turc, etc.), transmission aux plus jeunes de « l’amour de la France » par le lever des couleurs, le chant de la Marseillaise à l’école, la sortie de l’espace Schengen et le rétablissement du contrôle aux frontières nationales... Le chapitre sur l’écologie – « retisser le lien viscéral qui unit l’homme à la nature » – nous ramène à la « terre qui ne ment pas » que Jacques Ellul et Bernard Charbonneau dénonçaient dès 1937 comme – le terme d’écologie n’était pas encore employé – un "sentiment de nature dupé" : « La droite a toujours réclamé le "retour à la terre", montré les avantages de la vie campagnarde, exalté la vie rude qui forme les hommes (…) C’est que la droite voit dans le retour à la terre non pas une vie qui forge des hommes libres, mais une soumission aux forces opprimantes de la nature (…) la société naturelle, c’est la société qui conserverait les avantages de la classe possédante (…) Il n’y a pas si loin que l’on croit des moutons frisés du Petit Trianon aux semailles de Mussolini ».
Avec Sens commun dans les bagages de Fillon, voilà le retour en politique d’un catholicisme intégral – adjectif qu’ils accolent aussi à l’écologie – c’est à dire de la droite la plus extrême, qui tout au long de l’histoire a toujours choisi de mettre en danger la République, les libertés, les étrangers.

Cela ne serait pas grave si Sens Commun ne revendiquait sa part – et demain son dû – dans le succès surprise de Fillon au premier tour, soulignant dès dimanche soir dans un communiqué de presse « la remarquable campagne menée par nos équipes, en étroite et confiante coopération avec les équipes de François Fillon », ses « 130 référents qui, au long des 200 réunions publiques auxquelles (...) ils ont participé sur l’ensemble du territoire national, auront permis de donner une plus grande visibilité à notre engagement, nos valeurs et nos aspirations. »

Cela ne serait pas grave si demain, gagnant la primaire de la droite, François Fillon n’était pas le mieux placé des candidats pour devenir le président de la République. Dans un second tour Marine Le Pen – François Fillon, il n’y aura pas de choix.
Comme protestants, nous avons la mémoire inquiète. Héritiers d’une histoire de minorité persécutée, veilleurs par ordre de Jésus, nous préférons sonner inutilement l’alarme que ne passe ce qui peut devenir drame fasciste. Qui nous entend aujourd’hui quand avec nos frères et sœurs turques et kurdes nous dénonçons l’installation d’Erdogan dans une dictature à la Pinochet, tortures et meurtres d’enfants compris, en Europe même ?

Nous avons la hantise que se répètent demain, comme l’écrivait Georges Bernanos, des « grands cimetières sous la lune », avec les musulmans ou les roms par exemple, mais peut-être aussi les juifs quand on voit que Frédéric Poisson (pas démocrate et nous ne comprenons pas comment, chrétien) a pu dénoncer le « lobby sioniste » et rester dans la course à la primaire de la droite. Sinon cela, avec certitude l’accentuation de l’hystérie anti-musulmane qui divise le peuple, blesse nos frères et sœurs au cœur de leur envie de République, justifie discriminations et violences physiques, en premier lieu contre les femmes. D’autant que nous doutons que l’ancrage bourgeois de nos ennemis permette cette fois-ci l’éclosion de la parole anti-conformiste d’un Bernanos qui préféra la collaboration avec les chrétiens de gauche plutôt qu’avec Vichy, le message vivant des Evangiles et la mystique catholique plutôt que l’adoration idolâtre de l’Occident et de la chrétienté, terme que François Fillon plaça dès le premier débat télévisé des primaires pour le plus grand plaisir de Sens commun.

Oui, cela est grave. Et gravement nous vous appelons à voter – y compris si vous êtes de gauche – au second tour de la primaire de la droite pour battre François Fillon. Et à vous mobiliser dès aujourd’hui, que vous soyez de la rose ou du réséda, pour la défense de l’égalité des droits, des libertés, des droits sociaux et de la planète. Le temps se fait court, les réalités se dévoilent et la bête est à nouveau à combattre.

Les signataires :
Marie-Agnès Beaumadier, Brigitte Chazel, Joan Charras-Sancho, Véronique Dubarry, Eric Foessel, Laurent Gagnebin, Josette Gazzaniga, Isabelle Grelier, Mathieu Gervais, Benjamin Joyeux, Stéphane Lavignotte, Nathalie Leroy-Mandart, Muriel Menanteau, Denis Monneret, Valérie Nicolet, Jean-Pierre Rive, Valérie Rodriguez, Léna Rondé, Madeleine Sfogia, Marina Zuccon

Et quelques Jude, Elisée, Tamar et autres Camille, protestantEs et catholiques et agnostiques se réclamant du Christianisme social...


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