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Appel pour une relance du christianisme social, pour des communes théologiques

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Article publié

Lucidité, espérance, fraternité : des axes théologiques pour le Christianisme social

vendredi 8 octobre 2010, par :

Un des ateliers de la rencontre du 2 octobre 2010 de Relance du Christianisme social était consacré à la question théologique. Ci-dessous, une des deux interventions d’introduction, celle de Jean-Pierre Rive.

Si l’on veut caractériser le mouvement du christianisme social, on peut dire, sans que cela soit un jugement sur d’autres mouvements chrétiens, que sa particularité est de prendre au sérieux l’état du monde tel qu’il se donne dans toutes ses dimensions, sociales, économiques, politiques et que cette prise au sérieux détermine une manière de dire et manifester l’Evangile. Dire et manifester l’Evangile c’est-à-dire annoncer la Seigneurie du Christ sur ce monde et manifester la présence de son Royaume dans ce monde.

Ceci peut se décliner en trois axes :

Le premier, celui de la lucidité  : Si le Christ est la Lumière du monde et si nous en sommes les témoins éclairés, c’est à un effort de lucidité, c’est-à-dire de vérité que nous devons nous attacher.

Dans un monde, où le mensonge est érigé en art de gouverner, où la duplicité est utilisée pour manipuler l’opinion, le camouflage pour encourager la consommation, un christianisme social, un christianisme intégral et, pourquoi pas le dire, un christianisme politique, c’est-à-dire un christianisme qui non seulement prend en compte la conversion personnelle, le combat intérieur, mais aussi la modification des rapports sociaux, mais encore la transformation des institutions qui régissent la vie commune et les luttes pour la justice qui en découlent, le christianisme doit d’abord être un outil, un instrument, pour exercer une exégèse rigoureuse des réalités ; une exégèse exigeante, affiliée à aucune idéologie, mais à l’écoute de toutes les analyses pour, dans un discernement libre et affranchi sans cesse guidé par la fidélité à celui qui a dit « Je suis la Vérité », décrypter cette figure du monde en train de passer, et en proclamer les erreurs, les impasses, les asphyxies, les éboulements à venir et y insuffler les vraies raisons d’espérer.

Car, et c’est le deuxième axe, dans ce monde masqué, innombrables sont les comportements d’évitement : anesthésie des consciences, illusions trompeuses sans cesse ramenées à grands frais, reflexes de fuites sur des arches sécurisées, improbables et mortelles, replis identitaires frelatés, autant d’espoirs frauduleux déversés sur le marché des peurs en quête d’assurances tous risques chargés d’endormir la déprime. C’est ainsi que se multiplient les propos aliénants, les religiosités séculières promptes à solliciter des sacrifices pour des lendemains chantants, toujours annoncés et promis mais jamais accomplis. Au cœur de ce monde il convient donc, et c’est aux témoins du Christ de l’assumer, par delà les masques et les peurs, par delà les faux espoirs préfabriqués, il convient de ne pas délaisser l’espérance, cette vertu qui avec la Foi, c’est-à-dire le regard lucide sur le réel, propose cette dynamique renouvelée au cœur d’un monde étouffé.

Ce deuxième axe de l’affirmation chrétienne, espérer, consiste à vivre la conviction fervente, que par delà les éboulements, les étouffements, les ensevelissements qui se profilent à nos horizons, l’Avenir est ouvert. Un avenir non seulement promis mais déjà réalisé, incarné, en cours de pleine révélation, celui du Royaume de paix, de justice et d’abondance. C’est à ce prix que des imaginaires déverrouillés, délivrés de leurs peurs peuvent être de véritables forces de renouveau, de véritables sources d’accomplissement.

La crise que nous traversons, comme une mer de roseaux instable et marécageuse, comme un désert aride et inquiétant est le chemin, certainement salutaire, pour une terre nouvelle que ceux qui l’habitent peuvent espérer. La tâche des chrétiens, notre tâche est de maintenir coute que coute cette flamme, cette espérance.

Le troisième axe est celui de la Fraternité.

Dans ce monde où le « sauve qui peut » égoïste devient la norme, la fraternité est l’injonction majeure qui nous est adressée pour passer le gué.

Dans un monde où l’émancipation des opprimés de toutes sortes s’est souvent traduite en course effrénée pour des sauvetages individuels, étriqués et éphémères, toujours conquis d’ailleurs au détriment d’autres, souvent relégués ou assignés dans un statut de perdants, la fraternité est le socle qui humanise la lucidité et qui charge de tendresse l’espérance.

La fraternité oubliée par nos institutions, qu’elles soient politiques, économiques ou parfois même ecclésiastiques, est ce terreau par lequel se construit un avenir commun parce qu’une origine commune est affirmée, attestée et confessée. En tout cas c’est ce que disent nos Crédos. Alors, parce que tous frères et sœurs, il nous faut nous accueillir et nous réconcilier, nous unifier.

La lucidité ne peut plus nous faire peur et l’espérance nous ranime. Quoi qu’il arrive, quelle que soit la dureté des chemins et des lendemains, nous sommes assurés de pouvoir tracer ensemble les sillons d’une terre promise déjà acquise.

Sur ce chemin que nous avons à parcourir, chrétiens et non chrétiens, croyants et non croyants, il appartient aux chrétiens, et en particulier à ceux que nous voulons être, animateurs d’un mouvement qui s’adresse à tout homme, à tout être humain sans distinction aucune, il appartient aux chrétiens d’être les témoins de Celui dont nous portons le nom - le Christ, Seigneur et serviteur, réelle présence dans l’histoire - de ce Royaume fraternel, paisible et juste.

Le Christ ne nous demande pas grand-chose ; en fait deux choses :

« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice » et puis aussi « faites ceci en mémoire de moi  » en parlant de la Cène partagée : une lutte une contemplation, un combat une célébration.

C’est sur ce point que je voudrais terminer, dans la continuité avec les pères de l’Eglise- Ambroise de Milan, Jean Chrysostome - et aussi de nos pères dans la foi Protestante - Calvin, Tommy Fallot, Wilfred Monod et Dietrich Bonhoeffer - il nous faut savoir que là où la lutte s’appauvrit, le combat s’étiole et là où la lutte s’affadit, la contemplation s’aveugle.

La liturgie qui nous rassemble - service public, c’est-à-dire action collective du peuple, notre universel sacerdoce - la liturgie qui résiste aux enfermements que les pouvoirs lui imposent - pouvoirs qui en affirmant une laïcité frileuse veulent se dédouaner à bon marché de la sacralisation cachée de leurs valeurs : le marché, la croissance, la frontière, l’identité -

la liturgie est la source de toutes les justes subversions, de toutes les véritables insurrections mais aussi de toutes les résurrections pour que dès maintenant les signes du Royaume continuent d’irriguer une création promise à la joie parfaite et imprenable de tous ceux et de toutes celles qui l’ont habité, l’habitent et l’habiteront demain.

Cette liturgie ne s’arrête pas aux portes de nos églises et de nos temples, elle est ce ferment qui transfigure toute culture elle nous envoie sans cesse pour pratiquer la justice, renverser les puissants, donner le Pain et la Parole aux pauvres, glorifier les humbles.

Elle est notre « Capital », notre petit livre rouge, notre feuille de route. Elle est l’ordre du Christ qui fidèlement nous tient par la main et nous garde

C’est ainsi que l’Eglise, à son image, sera, toute entière, diaconie au service de la Création.

Pasteur Jean-Pierre RIVE

  • #1 Le 5 novembre 2010 à 11:45

    il y a une petite coquille dans le texte il faut lire:la ou le culte s
    appauvrit(et non pas la lutte comme ecrit,)le combat s etiole... )



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