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Article publié

Egalité femmes hommes : réalité ou utopie ?

La situation des femmes dans l’Histoire par Sylvette Bareau

samedi 12 novembre 2022, par :

On rencontre en Histoire un même problème pour tout ce qui concerne les femmes : très peu de sources exploitables directement, et longtemps peu d’intérêt de la part des historiens eux-mêmes.

Un problème de sources
Très peu de textes racontent et décrivent les différents aspects de la vie spécifique des femmes : ils sont considérés comme banals et sans importance dans beaucoup de sociétés ; quelques allusions parfois au détour d’un texte qui décrit l’histoire des hommes aux deux sens du terme en français : êtres humains et mâles.
Peu à peu depuis le début du XXe siècle des historiens, des anthropologues, des ethnologues, etc. ont commencé à se poser des questions au sujet des femmes, mais au début toujours de façon succincte ; ce n’est que depuis les environs de 1950 que le questionnement se fait plus précis, plus insistant… et trouve des traces négligées auparavant.
Les traces indirectes dépendent de la possibilité de ces indices à rester accessibles (ce qui n’est pas toujours parallèle à l’ancienneté ou au caractère récent des traces, mais lié au hasard des trouvailles). L’Histoire n’est pas linéaire, donc comporte des évolutions rapides, de longues stagnations, mais aussi des retours en arrière (cf. le XIXe siècle, largement aveugle au destin des femmes depuis le Code Napoléon).
Parmi les traces exploitables il y a notamment celles que découvre l’archéologie, qui est de plus en plus scientifique et pointue, de plus en plus faite par des femmes qui se soucient de mieux en mieux de rechercher la vie passée des femmes. On retrouve pour les périodes très anciennes beaucoup de corps, sauf quand il y a eu incinération, ou de fragments de corps dont on sait de mieux en mieux déterminer par exemple le sexe et l’âge approximatif (cf. le fragment d’os qui a permis la découverte de l’ “homme” de Denisova, et qui provenait en fait de la phalange d’une très jeune fille...).
À certaines époques, les personnes prestigieuses ont été entourées dans leur sépulture de nombreux objets. Ainsi la princesse de Vix à Châtillon-sur-Seine, enterrée avec notamment le plus grande vase grec connu en bronze (1,60m de hauteur) ! À d’autres époques, beaucoup de tombes, de femmes aussi bien que d’hommes, sont plus modestes et accompagnées de petits objets rituels, et on peut parfois y voir des aspects de leur vie sociale passée.
D’autre part l’archéologie s’intéresse de plus en plus aux traces d’habitat, longtemps ignorées ou négligées, qui peuvent donner beaucoup d’indices sur la façon d’y vivre et souvent de la place qu’y tenaient les femmes (on connaît Pompéi, etc.).
Autre type d’indices, à partir du Moyen Âge surtout, les actes notariés et les registres paroissiaux, essentiellement en Europe depuis quelques siècles ou seulement quelques dizaines d’années : ceux qui ont échappé aux incendies, aux inondations, au saccage des armées d’occupation, aux guerres civiles et aux révolutions… Un des premiers modèles du genre a été l’enquête dirigée par Pierre Goubert sur les registres du XVIIe siècle dans les campagnes Bassin Parisien. Cette enquête montre, sur plusieurs centaines ou milliers d’individus, les structures familiales de ces lieux et leur évolution selon l’âge des personnes. La plupart des hommes et des femmes ont été placés par leurs parents, à partir d’une dizaine d’années jusqu’à plus de vingt ans, dans de riches exploitations où ils accumulaient si possible un pécule en vue de s’établir et de fonder une famille : surprise ! les femmes comme les hommes ne se marient que passé vingt-cinq ans. Elles sont assez souvent plus âgées que leurs maris ! On voit aussi la fréquence de la mortalité en couches et les remariages rapides des hommes, qui ne peuvent faire face seuls aux très nombreuses tâches nécessaires dans une exploitation.
Beaucoup d’autres sciences auxiliaires de l’Histoire ont ainsi offert des points de vue divers sur la façon de vivre des femmes à telle époque et dans telle région. Mais, malgré des progrès incontestables, cela forme un puzzle partiel, toujours à compléter. Si les traces laissées par les femmes sont assez décousues, pleines de lacunes et rarement laissées volontairement, il n’en est pas moins vrai que, depuis quelques courtes décennies, leur sort est devenu un vrai centre d’intérêt. Des chercheurs, et surtout des chercheuses de plus en plus nombreux se sont lancés dans ces enquêtes en y trouvant de vrais motifs d’étonnement, voire des résolutions d’énigmes.
Le point de départ de ces recherches, c’est souvent la découverte inattendue de lots d’archives qu’on n’aurait pas imaginé interroger de façon rigoureuse quelques dizaines d’années auparavant. C’est aussi souvent à l’occasion de recherches généalogiques privées effectuées par des non-spécialistes, dont l’intérêt est surtout sentimental, que ces progrès ont pu être réalisés. Ce peut être aussi à la faveur de l’intérêt grandissant pour un tout petit pays, ou pour un petit groupe humain dont on se sent particulièrement proche (recherches sur les patrimoines, etc.). Cela se traduit au départ par des monographies, qui, rassemblées et retravaillées par des universitaires, ou dans le cadre d’un sujet de thèse, étoffent le matériel de base pour explorer des pans entiers et nouveaux de l’Histoire.

Et les femmes, donc, dans tout ça ?
– Elles sont assez souvent présentes mais de façon un peu dispersée dans toutes ces petites monographies ; mais beaucoup moins présentes dans les travaux de recherche plus globaux : le côté répétitif de beaucoup de notes faites à leur sujet en dilue l’intérêt une fois les notes de synthèse rédigées.
– En revanche, certaines recherches, qui ont choisi de façon spécifique des sujets qui concernent les femmes et leur rôle dans un milieu social défini, apportent parfois un véritable savoir nouveau.

Précisons quelques points concernant les sujets sur lesquels les historiens et historiennes s’accordent aujourd’hui :
– les modèles sociaux que nous connaissons le mieux sont ceux des sociétés d’Europe et du Proche-Orient depuis la fin du Néolithique et depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui… mais canton par canton, et ceux que l’Europe a exportés depuis les cinq derniers siècles. Et cela selon deux modalités principales :
• ceux qui sont connus et documentés par analyse directe et travail de recherche récent, indépendamment des traditions colportées de génération en génération ;
• ceux qui nous sont parvenus comme des modèles intellectuels et idéaux élaborés par les « sages » de l’époque considérée… repris dans les siècles postérieurs (Platon et Aristote pour la Grèce du Ve siècle, les règlements ecclésiastiques pour l’Église du Moyen Âge…). Pendant longtemps, ces descriptions idéalisées ont été largement prises à la lettre, parce que consacrées par leur caractère écrit et émanant de poids lourds de la pensée (et de la philosophie). Mais ces textes de référence ont presque tous été rédigés et transcrits par des hommes, ils ont tous minimisé, voire complètement effacé, tout ce qui concerne les femmes. En général, ils justifient cette discrimination par des considérations qui semblaient des évidences à l’époque de leur rédaction (faiblesse physique, mais aussi psychique des femmes, simples vases à recevoir la semence des mâles…)
– Depuis un demi-siècle environ, bien d’autres modèles sociaux ont été étudiés et font apparaître d’autres façons de considérer les femmes, en général ou dans leur appartenance à des milieux particuliers :
• de même que jusqu’au début du XIXe siècle (voire du XXe siècle) la grosse majorité de la population (80%) était constituée de paysans, la majorité des femmes étaient des paysannes, ce qui est encore le cas dans beaucoup de pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud. Or ces paysannes étaient très différentes des femmes des milieux aristocratiques et aisés, celles dont les modèles idéaux nous parlaient.
• La plupart du temps, ce qu’on peut observer, c’est le partage des tâches entre les hommes et les femmes des milieux paysans : les tâches les plus valorisées sont en général dévolues aux hommes (chevaux…), mais celles qui sont réservées aux femmes sont loin de demander moins de forces physiques (par ex. chercher l’eau et le bois à des kilomètres à pied…).

Une évolution dans les rapports entre hommes et femmes ?
L’évolution est rarement linéaire. Elle dépend de circonstances diverses :
– climatiques : certains climats favorisent la domination des plus forts physiquement, donc des mâles : la sécheresse suscite des nomades qui comme Abel suivent leurs troupeaux. D’autres climats favorisent la plus grande dignité ou considération de ceux qui savent, qui œuvrent à la paix, à l’émerveillement devant la beauté ou la fertilité de la nature, et ce sont souvent les femmes, particulièrement les femmes anciennes dépositaires de la sagesse transmise de générations en générations qui peuvent alors avoir la prééminence… mais ce n’est pas le cas le plus fréquent !
– sociales : la démographie concentre la majorité de la population dans les zones faciles à irriguer ou à cultiver, par exemple celles qui permettent l’implantation de villes, et donc l’éducation, la culture intellectuelle et artistique, à condition qu’on n’interdise pas l’accès de ces valeurs à certaines parties de la population (dont les femmes, les esclaves…) à cause (souvent) de traditions antérieures qui les infériorisent.
– événementielles : les conséquences de périodes catastrophiques (longues guerres terribles épidémies…) laissent une population exsangue, longue à retrouver (ne serait-ce que partiellement) un certain équilibre démographique (ainsi le Nouveau Monde après les Conquistadors, l’Allemagne après la Guerre de Trente ans…), donc provoquent de sévères retours en arrière.
Dans beaucoup de cultures, les femmes ne comptent que quand elles ont mis au monde des fils qui pourront honorer leurs ancêtres et donc leur lignée. Plus une femme a d’enfants, plus il y a de chances que certains lui survivent (et donc la famille avec !). Souvent, quand elle est mariée, une femme n’appartient plus à sa famille d’origine, elle est entièrement dédiée à celle de son mari.
Jusqu’à récemment (début du XXe s.) et encore aujourd’hui dans bien des sociétés qui vivent avec des normes sanitaires rudimentaires, passé l’âge de vingt ans il y a une grosse mortalité des femmes en couches et donc beaucoup plus de veufs que de veuves ! Donc il y a peu de femmes âgées (et ménopausées), dont on ne sait quoi faire : des sages ou des sorcières ?

Évolutions récentes
Surtout depuis 1945, dans une proportion croissante des pays du monde, deux phénomènes principalement ont transformé la place des femmes dans la société :
– les progrès de la médecine
• sociale : les vaccinations et le suivi médical des femmes pendant leurs grossesses et leurs maternités ont beaucoup réduit la mortalité en couches. Beacoup moins d’enfants sont orphelins de mère.
• curative : beaucoup de maladies sont guéries.
• La contraception et l’IVG permettent de limiter la taille des familles et donc la charge de celles-ci qui pèse sur les mères.
Tout cela a fait croître l’espérance de vie (à la naissance et surtout après l’adolescence) des femmes, qui aujourd’hui dépasse celle des hommes.
– L’accès à l’éducation (scolaire, universitaire) : selon les pays, la scolarité des filles est devenue de plus en plus longue et obligatoire (sauf chez les talibans !). Bien sûr, cette scolarisation coûte cher aux États et aux familles ; mais elle apporte une valorisation croissante de la moitié féminine de la population. La surprise a été de constater la meilleure réussite des filles, quand les conditions d’égalité d’accès aux connaissances et à la réflexion sont réunies. Cela garantit une plus grande richesse pour les générations montantes… et donc pour les États.

Conclusion
Globalement, on constate une évolution favorable aux femmes (cf. #MeToo) sauf en certains pays (ou régions) accrochés à la stricte séparation des sexes avec hiérarchisation (Iran, Afghanistan, Arabie…) et qui considèrent les LGBT etc. comme des malades fauteurs de péchés graves contre la Création.
Mais nous sommes toujours menacés d’une évolution inverse en cas de guerre, l’humiliation et la dégradation des femmes de l’ennemi ayant toujours été une arme de guerre. La menace est peut-être moindre, qui sait ? quand les femmes ont appris à se battre, à défendre leur dignité propre et celle de leurs enfants… et de leur peuple entier !


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