Jésus né dans la crèche : une image tout sauf mièvre
Le petit Jésus dans la crèche traine derrière lui une image bien mièvre : le petit Jésus est rose, les animaux sont beaux et lui procurent de la chaleur, ses parents et les bergers sont émerveillés, la mangeoire tapissée de paille est confortable.
C’est sans nul doute une autre réalité qui s’offre à nous : Nul part où se loger, nul par où accoucher. Voilà la petite famille pas plus haut qu’au rang des animaux, le fragile bébé nait au milieu d’eux et de leurs excréments, dans une étable misérable. Son berceau est une dure mangeoire à bestiaux comme d’autres naitraient dans une poubelle. Oui, on pourrait dire qu’objectivement la jolie famille était « dans la merde » ce soir là. Et pourtant, malgré tout, la magie de la naissance opère et elle semble faire oublier les conditions précaires : la naissance d’un enfant est toujours un miracle, un petit être qui réalise en lui une centration formidable, les poings fermés il parle autant qu’il se tait, il voit autant qu’il a les yeux fermés. C’est une joie profonde et intense pour ses parents et les bergers.
C’est dans la fragilité qu’une force se manifeste
Né entre le bœuf , animal considéré comme pur chez les juifs ; et l’âne animal considéré impur ; le voilà qu’il se situe entre le pur et l’impur, entre le touchable et l’intouchable : pour les relier, pour les abolir, pour dire que dès lors les antagonismes n’ont plus leur place dans ce monde nouveau qu’il inaugure.
Ce petit enfant vient annoncer un renversement des valeurs, une révolution des cœurs : Ce qui est méprisé et pauvre aux yeux du monde, ceux qui sont au ras du pavé, au ras du crottoir, Dieu a choisi d’y prendre place sous les traits du plus fragile de tous les êtres : un bébé né entre le pur et l’impur pour qu’il n’y ait plus de classes, pour qu’il n’y ait plus de guerres, pour qu’il n’y ait plus d’exclusions, pour qu’il n’y ait plus de murs dans notre monde et entre nous.
Jésus un anti héros
Israël attendait depuis des siècles un prophète puissant, un roi glorieux, un guerrier triomphant, un héros qui la délivrerait des menaces extérieures. Mais voilà que nait un anti héros sous les traits d’un bébé :
Connaissez-vous la Statue de Louis XIV qui se trouve à l’entrée du château de Versailles ? Cette statue le montre triomphant en chef de guerre, monté sur un puissant cheval. Mais il n’en n’est rien pour notre anti héros d’il y a 2000 ans : il s’incarne dans un bébé né dans une famille pauvre. Devenu adulte il arrivera à Jérusalem dans une scène des plus ridicules : sous les acclamations de la foule, monté sur un... âne ! Plus tard encore, en lieu et place d’une couronne d’or et vêtu d’habits de sacre, c’est nu et affublé une couronne d’épines que notre anti héros sera monté sur la croix . Le jour de sa résurrection, c’est à peu de monde qu’il se montre, sans tapage et sans fracas, ses amis même ne le reconnaissent qu’au moment du repas.
Une inversion des valeurs
La force de Noël se trouve dans la fragilité, dans la fragilité d’un bébé, dans la fragilité d’une famille, dans la fragilité de leurs conditions de vie précaires. Une annonce est faite aux pauvres, à ceux qui sont sans voix, à ceux qui sont sans toit, à ceux qui ne sont rien, à ceux qui n’ont rien, à ceux qui naissent dans les poubelles ou qui sont à deux deux doigts d’y vivre. C’est là que Dieu a choisi de naitre. Et cette annonce se fait dans la plénitude d’une naissance, dans la douce joie d’une famille qui malgré sa précarité est comblée de grâces, émerveillée par la naissance de son enfant. Cette intense plénitude nous y avons droit : elle une pause, un répit, une espérance, une trêve de Noël, au milieu de nos fatigues, de nos fragilités et de nos découragements, de nos mises en échec, en dépit de nos conditions de vie, en dépit des déboires, des soucis, des pressions ou des incertitudes.
Diakoneo